Chapitre 1

Il était une fois, une petite sirène qui vivait seule dans une grotte. Cette cavité sous-marine était splendide, emplie d’innombrables cristaux, de roches luminescentes et d’autres minéraux tous aussi splendides les uns que les autres. Toutes ces extraordinaires pierres nimbaient l’entièreté de la caverne d’une lumière violacée et dorée.

La petite sirène se sentait bien seule dans sa grotte, aussi belle qu’elle puisse être. Toute sa famille avait disparu, une maladie inconnue et mystérieuse ayant décimé un grand nombre d’entre eux. Et même ceux qui s’étaient montrés les plus résistants au virus étaient eux aussi partis, la tristesse et le chagrin ayant été trop fort pour leur pauvre cœur. La petite sirène, quant à elle, s’était décidée à rester dans ce lieu où elle avait grandi. Elle avait refusé radicalement de quitter ce lieu où elle avait toujours vécu. 

Mais voilà ! Alors qu’elle vivait ici depuis plusieurs années maintenant, elle ne savait plus comment occuper ses journées ni ses nuits. 

Ainsi que cette magnifique créature des mers était seule sur un rocher, en train de pleurer, elle comprit soudain qu’il était temps de reprendre enfin sa vie en main. Il n’était plus possible d’être aussi isolée et seule. 

Et soudain ce fut une évidence. « Oui ! Le moment est bel et bien venu de faire revenir tout le monde ici ! Et je vais y arriver ! ». Cette fois, elle se sentait prête ! Elle se mit alors à filer à tir de nageoires, fonçant telle une flèche à travers les courants contraires. Elle avait le visage fermé, très concentrée qu’elle était, et convaincue désormais de savoir exactement comment s’y prendre.

Chapitre 2

Voilà maintenant plusieurs semaines que la petite sirène était partie en voyage. Après de longues recherches, elle finit par arriver devant la nouvelle grotte où vivaient désormais ses congénères. Elle était tellement excitée de les avoir enfin retrouvés ! D’autant plus que cette grotte était tout aussi belle que celle qu’elle avait toujours connue. Mais quelle ne fut donc pas sa stupeur quand elle aperçut soudain plusieurs sirènes malades, allongées sur des roches, au fond de leur grotte, entourées de leurs proches qui prenaient soin d’elles. 

Les sirènes formées à la médecine traditionnelle utilisaient leur magie immémoriale, mais celle-ci ne semblait cette fois impuissante : le virus était plus fort que leur savoir ancestral. Devant les yeux de la petite sirène défilaient des scènes trop douloureuses. Elle se précipita vers le vieux chef du clan pour lui demander ce qui s’était passé. Au départ, il ne la reconnut pas, puis il fut très surpris de la voir ici, devant lui. Une fois la stupeur passée, il lui expliqua les différentes mésaventures qu’ils avaient rencontrées. Le vieux chef avoua qu’il ne comprenait pas cette évolution inattendue et incontrôlable des choses. 

Alors la sirène s’approcha des malades, elle se mit à leur parler et à leur poser plusieurs questions. Elle voulait absolument comprendre. Après plusieurs jours d’écoute attentive et d’investigation, la petite sirène, ayant mûrement réfléchi avec son collège d’amis, comprit la cause du mal qui s’abattait sur son clan : le virus était en fait celui de la tristesse. Le point commun de tous les malades étaient la perte de la joie de vivre. Ceux qui gardaient la santé avaient certes peur, mais ils avaient, au fond, la joie d’être une sirène entourée de la communauté. La petite sirène et ses amis comprirent que la confiance en soi-même et en la vie était le meilleur des remèdes– voire la meilleure des préventions. 

Chapitre 3

La première enfant sirène à bénéficier de ce protocole de confiance et de joie fut une enfant sirène nommée Naya. Avec la collaboration des dauphins, avec qui la petite sirène avait appris à communiquer, cette enfant fit une promenade délicieusement réjouissante avec son nouvel ami le cétacé. Elle rit tellement, tellement,  et se sentit si joyeuse qu’elle en oublia totalement sa maladie. De retour dans la caverne, elle demanda à ses parents de rentrer à la maison, avec eux, et, cette fois, de ne pas dormir avec les autres malades. Elle se sentait certes fatiguée, mais elle se sentait aussi assez forte pour dormir cette nuit près de son papa et de sa maman. Bien que les parents aient été encore inquiets pour la santé de leur fille, ils décidèrent de faire confiance : de faire confiance au ressenti de leur propre fille, mais aussi de faire confiance aux principes de la nouvelle médecine proposée. 

Et Naya fut la première sirène à être guérie de cette mystérieuse maladie. La toute première d’une longue liste…  En effet, ayant remarqué l’incroyable et surprenante guérison de cette jeune sirène, d’autres enfants voulurent utiliser ce même protocole de confiance et de joie. D’autant plus qu’il était amusant à mettre en place : qui n’eut cru que jouer avec un dauphin pouvait les guérir !

Chapitre 4

La petite sirène avait trouvé le bonheur au sein de sa communauté. Elle avait découvert une nouvelle grotte avec des pouvoirs magiques similaires à celle dans laquelle elle avait grandi. Elle avait compris désormais que le bonheur ne dépendait pas d’un lieu, mais bien des personnes qui l’entouraient pour le partager. 

Un jours où la petite sirène se promenait paisiblement aux alentours de sa nouvelle habitation, heureuse et légère, elle fut apostrophée par Naya. L’enfant sirène avait beaucoup lié d’amitié avec cette dernière arrivante qui changeait la communauté avec sa simple présence. Comme Naya insistait pour qu’elle les rejoigne, la petite sirène s’approcha donc et vit tout un groupe d’enfants jouer avec les dauphins. Au début la petite sirène fut un peu décontenancée mais, tout doucement, elle se mit dans l’ambiance festive des enfants et commença elle aussi à s’amuser. Ils avaient très rapidement appris à communiquer avec les dauphins, et cela les amusait beaucoup. La petite sirène en profita  pour leur montrer mille galipettes et autres chorégraphies nouvelles à faire avec leurs amis les cétacés. Et ils jouèrent ainsi toute la journée, sans même que la petite sirène ne se rende compte du temps qui passait. 

Et alors qu’elle vivait un moment d’insouciance et de pur bonheur, elle comprit le secret de la guérison de toute la communauté : ce sont les enfants qui sont la solution ! Les enfants ont encore toute leur naïveté et toute leur bonté intactes. Les enfants sont donc l’avenir de  la communauté ! Un enfant peut transformer un parent, le rendre meilleur. Il est ce qu’il est, et il devrait, en principe, être accepté pour ce qu’il est.

Chapitre 5

Après une journée d’amusement avec les enfants, elle s’endormit en un rien de temps et partit dans les bras de Morphée. Pendant que son corps était chaudement lové dans sa coquille, la petite sirène fit un rêve merveilleux et annonciateur.  Elle se vit devant chacun des membres de ce clan, en train de faire un discours aspirant. De sa voix douce qui savait chanter l’amour, elle prononça ces mots : 

— Ma chère famille de cœur, vous souvenez-vous de notre vie avant la maladie ? Vous souvenez-vous comme nous étions heureux et en paix avec nous-mêmes ? Jadis, là-bas, nous jouions tous, les petits comme les grands, dans les courants marins. Nous faisions la course avec les poissons, avec les dauphins ou avec tant d’autres de nos magnifiques amis marins. Nous jouions à cache-cache même ! Et puis, un jour, nous avons cessé de jouer. Et, peu à peu, sans même nous en rendre compte, nous avons désappris à sourire. Nos enfants, eux, ont gardé cette joie de vivre si propre aux sirènes ! Ils ont gardé ce cœur plein de lumière ! Ce sont eux qui nous montrent le chemin. Faisons leur confiance, réapprenons d’eux, avant que ce ne soient eux qui ne prennent exemple sur nous. 

Lorsque les premiers rayons du soleil transpercèrent l’eau translucide, la petite sirène se réveilla toute excitée de cette nouvelle aventure à venir. Aujourd’hui, elle fera son discours. Avec ces mêmes mots, ces mêmes phrases et surtout  avec  amour, elle prononcera ces mots magiques qui feront changer l’entièreté de la vie de la communauté. Elle quitta son coquillage et nagea à tire de queue de poisson. Elle les trouva tous bien présents, à œuvrer à la préparation du repas du matin autour de la table communautaire. Elle ouvrit la bouche et…

Une nouvelle page de l’histoire des sirènes allait s’écrire.